[I]l est intéressant de comparer ce que j’ai appelé, dans un article précédent, « Le siècle des Lumières américain » au « Siècle des Lumières européen ». On constate que les mêmes facteurs qui expliquent l’actuel leadership intellectuel des Etats-Unis, expliquent le leadership intellectuel de la France au XVIIIème siècle, ce qui ne doit pas faire oublier le rôle important que jouèrent d’autres pays européens, notamment la Grande Bretagne : haut niveau universitaire, grande importance du débat d’idées, création de l’Encyclopédie par Diderot et d’Alembert (17 volumes et 72 000 articles), dont l’équivalent américain actuel est Wikipédia, fort développement des sciences, notamment les mathématiques, la physique, la chimie, l’astronomie, les sciences naturelles et, corrélativement, de l’activité économique. Autrement dit, les mêmes causes produisent les mêmes effets. L’actuel leadership des Etats-Unis ne doit donc pas étonner. Il s’inscrit dans une longue lignée, tout au long de l’histoire, à la suite, pour ne mentionner que quelques pays, de l’Egypte, la Grèce, Rome et l’Europe.
On notera qu’en ce qui concerne le débat d’idées, plus de 2000 concours académiques furent organisés à l’époque, portant sur des sujets très divers. Ce qui fait tout de suite penser aux concours d’éloquence et de débat d’idées (forensics) organisés aujourd’hui aux Etats-Unis tant dans l’enseignement secondaire que par les universités. Par ailleurs, n’oublions pas que la rhétorique constituait, alors, en Europe, la base de l’enseignement supérieur, de même qu’aujourd’hui l’enseignement de la communication est, aux Etat-Unis, on l’a vu dans un précédent article (The Power of Oratory »), une cause nationale.
Les différences portent, à mon avis, sur trois points principaux : concentration du savoir dans l’élite de la population, prééminence des philosophes, qui souvent étaient aussi des hommes de science, dispersion du débat d’idées entre de multiples entités: académies, clubs politiques, loges maçonniques (plus de 2000 au XVIIIème siècle), salons littéraires.
Sur la question concrète qui nous intéresse, celle de la pratique de la communication, cette comparaison confirme, s’il en était besoin, que l’enseignement de la prise de parole en public et du débat d’idées, sans même parler de celui de l’art oratoire, sont, en la matière, deux éléments clés et que le cantonnement, en grande partie, à l’écrit, tel qu’il existe actuellement en France, est une erreur fondamentale (V. à ce sujet l’article : Sciences cognitives : la grande importance de l’interconnexion entre la communication écrite et la communication verbale).
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