Les 5 k.o. rhétoriques de l’élection présidentielle 2017 : Hollande, Fillon, Le Pen, Hamon, Mélenchon


Introduction

L ‘objectif de cet article est exclusivement pédagogique. Il est de montrer, à travers la communication de neuf candidats aux élections présidentielles, dont cinq à celle de 2017, comment la violation des trois fondamentaux de la rhétorique, la logique, l’éthique et la psychologie a conduits ceux-ci à l’échec.

Cet article n’a aucune visée politique : les échecs analysés concernent des représentants de toutes les tendances, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

Enfin, il est clair je ne suis pas un politologue. Ce bref article n’est qu’un coup de phare citoyen sur la récente campagne présidentielle à la lumière, il est vrai perçante, de la rhétorique.

I – Rappel : l’efficacité de la rhétorique résulte de ce qu’il s’agit de la seule méthode de communication qui s’adresse simultanément nos trois modes de perception de la réalité.

En Janvier 2016 j’ai publié dans ce blog un article intitulé « Le triangle rhétorique, base de toute communication réussie ». Cet article est depuis référencé numéro 1 par Google tant sur le Web comme article que dans la banque d’images « Google recherche avancée d’images » comme illustration du triangle rhétorique.

J’indiquais dans cet article que l’efficacité de la rhétorique résulte d’une caractéristique très originale, primordiale : il s’agit, à ma connaissance, de la seule méthode de communication qui s’adresse à nos trois modes de perception de la réalité. La rhétorique s’adresse à la raison par la logique, aux valeurs par l’éthique et aux affects par la psychologie.

Nul n’ignore qu’il existe de nombreuses théories de la perception, souvent très complexes. Il semble bien toutefois qu’il a y plus de deux mille ans, longtemps avant l’avènement des autres sciences cognitives, les philosophes grecs aient identifié de manière très précise bien qu’empirique les trois modes de perception de réalité que je viens de rappeler.

Depuis, ceux-ci n’ont pas pris une seule ride.

II – Les 5 K.O. rhétoriques de l’élection présidentielle 2017 : Hollande, Fillon, Le Pen, Hamon, Mélenchon

On sait que l’enseignement de la rhétorique a été supprimé en France en 1902, alors qu’à la même époque les Etats-Unis l’ont développé. Cette suppression s’est effectuée au grand dam des hommes politiques français si l’on en juge par les ravages provoqués par la violation de l’une ou de l’ensemble des trois règles de la rhétorique au cours de l’élection présidentielle de 2017.

On pensera sans doute tout de suite à la violation de la règle de l’éthique qui a couté la présidence à François Fillon.

Dans l’article de janvier 2016  cité plus haut  j’écrivais ceci :

«Les promesses non tenues que formulent parfois les politiciens constituent, jusqu’à la caricature, le contre-exemple de l’éthique oratoire». «Elles contribuent fortement, comme le soulignent de nombreuses enquêtes, au discrédit de la classe politique ».

Mais lorsqu’on examine dans la Mind Map ci-dessus les causes de huit échecs à l’élection présidentielle on constate que si l’éthique est bien le plus petit dénominateur commun, les règles de la logique et de la psychologie ont été, elles aussi, allégrement violées.

La Mind Map qui illustre cet article parle d’elle-même. Je ne formulerai ci-après que quelques commentaires en ce qui concerne chacune des trois catégories de règles :

1. L’éthique

Selon la rhétorique l’éthique doit susciter la confiance en s’adressent aux valeurs. C’est sans doute la règle dont la violation a les effets les plus dévastateurs en matière politique et ce pour les trois raisons suivantes.

1.1. La croissance des inégalités due aux grandes crises économiques

Les enquêtes montrent que les grandes crises économiques, telles celles de 1929 et de 2008, génèrent un fort accroissement des inégalités tant en matière de patrimoine que de revenus. Il en résulte par conséquent un fort accroissement du sentiment d’injustice. On sait que le salaire mensuel moyen des Français s’établit à un peu plus de 2.200 euros. Or les violations de la règle de l’éthique portent souvent sur des questions d’argent. Ces violations sont d’autant plus contestées que les montants concernés sont élevés et sans rapport avec ce revenu moyen.

1.2. Les violations des règles de l’éthique sont beaucoup plus facilement constatables que la violation des deux autres règles.

Il est beaucoup plus facile de constater qu’un homme politique a violé la règle de l’éthique (cf. la déclaration négative de revenus de Jacques Chaban Delmas, le cadeau par Bokassa de diamants à Valéry Giscard d’Estaing ou celui de costumes coûteux à François Fillon) que de déceler le caractère illusoire, le manque de logique économique, d’un programme électoral.

1.3. L’amplification par les médias

Pour la même raison que ci-dessus les violations des règles de l’éthique sont beaucoup plus médiatisables que les autres. Ainsi a-t-on a pu constater que l’affaire Fillon, affaire emblématique en matière d’éthique, a été considérablement amplifiée par l’ensemble des médias, dont les réseaux sociaux.

Dans notre société en manque de repères on a parfois oublié l’importance qu’on attachait à l’éthique à d’autres époques mais il en reste quelque chose. Ainsi, par exemple, dans l’antiquité l’orateur devait-il être un homme de bien. Il devait mettre son art oratoire au service de la société. De ce fait, il devait être, comme on dit, au-dessus de tout soupçon.

D’où la célèbre phrase de César qui répudia sa femme Pompeia sur un simple soupçon d’infidélité, semble-t-il infondé :

« La femme de César ne doit même pas être soupçonnée »

Ne faudrait-il pas appliquer cette phrase aux hommes, et aux femmes, politiques ?

2. La logique

Selon la rhétorique, la logique suscite l’adhésion en s’adressant à la raison.

En matière politique, la logique concerne essentiellement la crédibilité du programme économique et social proposé. La récente élection présidentielle montre clairement et paradoxalement que les programmes économiques extrémistes, qu’ils soient de droite (Marine Le Pen) ou de gauche (Jean Luc Mélenchon) n’effarouchent pas une part importante de l’électorat. Cette dernière se situe aux environs de 20%.

Le problème pour ces candidats est que ces programmes effarouchent LA MAJEURE PARTIE de l’électorat, ce qui les empêche de remporter l’élection. Le Front National l’a bien compris lui qui envisage maintenant de supprimer l’élément le plus important et le plus contesté de son programme : l’abandon de l’euro.

Il est rare qu’un candidat soit éliminé pour la seule raison du manque de logique de son programme économique. Le seul exemple dans la récente élection est celui de François Hamon avec sa proposition majeure, quelque peu utopique : le revenu universel garanti.

Il est clair que cette proposition était par trop en décalage et difficilement crédible par rapport à la situation économique actuelle. Mais on ne peut écarter qu’à terme il devienne d’actualité avec la robotisation de l’économie.

Dans le même ordre d’idées on peut estimer que le programme de Jean Luc Mélenchon, titulaire d’une licence de philosophie et d’un Capes de lettres, programme qui a attiré nombre d’électeurs, en a rebuté encore plus encore par son caractère radical, idéologique et par cela même très éloigné de la logique économique existante : retraite à soixante ans, augmentation du SMIC de 16%, recrutement de plus de 200.000 fonctionnaires, taxation des revenus à 100% au-delà d’un certain niveau.

Par ailleurs, ce programme ne pose-t-il pas un problème d’éthique ? Comment raisonnablement satisfaire toutes ces promesses dans le contexte économique et social actuel ?

D’une manière générale la majeure partie de l’électorat semble bien comprendre que les programmes extrémistes sont des programmes de rupture, des programmes idéologiques ou utopiques, sans rapport avec le contexte économique existant, en l’occurrence l’économie de marché.

3. La psychologie

Selon la rhétorique, la psychologie a pour objet de nous émouvoir en touchant nos affects ou émotions. Cette règle de la rhétorique est sans doute la plus complexe à appliquer compte tenu de la diversité des aspects de la psychologie.

En matière de communication, tout discours suscite des émotions. On peut les regrouper en trois catégories générales : positives, neutres, négatives. On dénombre par ailleurs huit  émotions principales : la joie, la peur, le dégoût, la colère, la tristesse, la surprise, la confiance et l’anticipation.

En politique comme dans d’autres domaines l’objectif minimum est de ne pas susciter d’émotions négatives. Les enquête ont montré, par exemple, qu’une partie clé du programme de François Fillon, la suppression de 500.000 fonctionnaires et la réforme de la l’assurance maladie a suscité l’inquiétude et la colère d’une partie de l’électorat. Emotions négatives s’il en est.

L’idéal est, à l’évidence, de susciter des émotions positives. Il s’agit non seulement d’une question de charisme mais aussi de la bonne utilisation de la langue, notamment des figures de la rhétorique.

Il n’est pas possible d’aborder cette question ici en raison de sa complexité. On trouvera quelques précisions dans l’article cité en début de propos.

Très brièvement, il s’agit de clarifier et d’animer le discours par deux grandes catégories de figures : les figures logiques de répétition telles que, par exemple, l’anaphore (Moi président… ! Moi président… !), et les figures psychologiques d’animation telles que les métaphores, les images.

Ceci afin de concrétiser le discours, de le rendre plus sensible à nos sens et donc à nos émotions et d’éviter ainsi comme la peste ce que notre esprit déteste inconsciemment : l’abstraction.

Rappelons que dans les grands discours des meilleurs orateurs contemporains, tous américains, tels les présidents Obama et Kennedy ou le pasteur Martin Luther King, on trouve une figure de rhétorique presque à chaque ligne.

4. Les cinq K.O. rhétoriques provoquées par la violation de la logique, de l’éthique et de la psychologie

La Mind Map qui illustre cet article montre que sur les cinq principaux candidats dont les échecs ont été analysés, trois ont violé chacune des trois règles de la rhétorique : François Hollande, Marine Le Pen, et Jean-Luc Mélenchon.

Les deux exceptions sont celles de François Fillon et de  Benoit Hamon. Le premier n’a violé « que » deux règles mais dont l’une des plus importantes : celle de l’éthique. On peut attribuer l’échec du second à la violation d’une seule règle : celle de la logique avec la proposition d’un programme quelque peu utopique sur le plan économique : le revenu universel garanti.

J’ai ajouté à ces cinq cas quatre cas plus anciens : ceux de Jacques Chaban-Delmas, Valery Giscard d’Estaing, Francois Mitterrand et Nicolas Sarkozy. François Mitterand ne figure pas dans la Mind Map. Je l’ai ajouté dans ce tableau en raison des diverses affaires qui ont émaillées ses deux septennats.

La Mind Map semble suffisamment explicite en ce qui concerne les violations de chacune des règles. Je me bornerai à mentionner dans le tableau ci-dessous pour chaque candidat celle qui d’après les enquêtes sur les réactions de l’électorat semble lui avoir été la plus nuisible.

Candidat Tendance politique Principale règle violée Manifestations
Jacques Chaban-Delmas Droite Ethique Déclaration de revenus négative
Valery Giscard d’Estaing Droite Ethique Diamants de Bokassa
François Mitterrand Socialiste Ethique Affaires Pelat, Tapie, Nucci, Beregovoy, Grossouvre, Ecoutes etc
Nicolas Sarkozy Droite Ethique Fouquet, Yacht de luxe, vacances USA, Pygmalion
Francois Hollande Socialiste Ethique Inversion de la courbe du chômage
Francois Fillon Droite Ethique Pénélope gate
Marine Le Pen Extrême droite Logique Sortie de l’euro
François Hamon Socialiste Logique Revenu universel garanti
Jean Luc Mélenchon Extrême gauche Logique Programme économique extrémiste

Commentaire :

Sur les neufs échecs examinés, cinq sont principalement dus au non-respect de l’éthique soit 55 % et quatre au non-respect de la logique soit 45%.

Sur les cinq échecs les plus récents, ceux concernant l’élection présidentielle de 2017, deux sont attribuables au non-respect de l’éthique et trois à celui de la logique.

Conclusion

Ce bref article consacré au rôle de la rhétorique en matière politique semble néanmoins significatif. Il démontre bien la pertinence des trois fondamentaux sur lesquels celle-ci repose : la logique, l’éthique et la psychologie. Fondamentaux dont elle est la seule à tenir compte en tant que méthode de communication, ce qui en explique l’efficacité.

Qui peut le plus peut le moins. La rhétorique est l’art de la persuasion. Elle peut donc s’appliquer non seulement en politique, mais aussi dans tous les domaines dans lesquels cet art est nécessaire.

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