Cher capitaine commandant le navire de l’Enseignement,
Le 22 Janvier 2017 j’adressais à ton illustre prédécesseur, Jules Ferry, le câble posthume codé suivant :
« En ce jour funeste du 31 mai 1902, le commandant lui-même du grand et majestueux navire de l’Enseignement ordonna d’abattre la grand-voile de la Pensée rhétorique, grand-voile qui avait pourtant fait avancer ce bâtiment contre vents et marées pendant plus de 2000 ans et fit ainsi entrer celui-ci dans la mer des Sargasses de l’Ignorance où il est encore encalminé plus de cent ans plus tard » !
Si je me permets de te transmettre la copie ce message c’est que, comme le montre la « photo de famille » jointe à ce câble, tu as accepté l’année dernière la lourde responsabilité d’être, le capitaine de ce navire. Je sais bien que tu as faits merveille dans ton précédent commandement. Mais tu n’ignores pas que le bâtiment que tu commandes aujourd’hui a essuyé, depuis son lancement en 1959, comme celui de ton prédécesseur, de nombreuses tempêtes. Il a subi maintes fortunes de mer. Il a même failli être jeté à la côte.
Aussi, permets au vieux loup de mer que je suis de te mettre en garde, au risque de passer pour un vieux crabe, sur les obstacles que tu pourrais rencontrer. Je ne t’apprendrai rien en te disant que tes prédécesseurs se sont succédé, sous la Ve république, au rythme de trente-deux en cinquante-huit années soit, en t’y ajoutant, un nouveau capitaine tous les vingt et un mois. Je t’en adjure, cher capitaine, ne commets par les mêmes erreurs !
Tout d’abord occupe toi de l’embarcation ! Fais la passer le plus vite possible en grand carénage ! Fais particulièrement attention au calfatage ! Çà fuit de partout ! Ne t’embarque surtout pas avant d’avoir bien fait garnir la cambuse !
Mais c’est surtout de l’équipage dont tu auras à prendre soin. Tout d’abord, fais très attention à ton attitude envers tes camarades ! Navigue toujours en escadre ! Ne te crois pas dans le Vendée Globe et ne te prends pas pour un navigateur solitaire ! Fais cependant gaffe aux jeunes capitaines ! Ils n’ont, tu es bien placé pour le savoir, qu’une seule idée en tête : gravir le plus vite possible tous les échelons, y compris le plus élevé !
En ce qui concerne les politiques, ne confond surtout pas bâbord et tribord ! Envisage toujours plusieurs routes selon les cartes météo, soit plus au nord, plus au sud, ou plus au centre, sans jamais pour autant te détourner de ton cap ! Ne cherche pas à « dégraisser le mammouth » directement, comme ton vingt-troisième prédécesseur ! Procède plus discrètement !
Tiens fermement la barre ! Navigue au long cours plutôt qu’au cabotage ! Évite les écueils ! Ne perds pas le nord ! N’aie cependant pas toujours l’œil rivé à la boussole ! Quand le temps le permet, navigue toutes voiles dehors ! Prends le vent en poupe ! Surfe sur la vague ! Mais, veille aux grains ! Ne navigue pas dans le brouillard ! Si le temps se gâte, serre au plus près ! En cas de tempête, prends des ris dans la grand-voile, mets-toi à l’abri et jette l’ancre s’il le faut !
N’oublie pas de mettre de l’huile dans les rouages des cabestans et guindeaux ainsi que dans toutes les poulies sans exception ! Évite d’emmêler les cordages et de faire des sacs de nœuds ! Ne pars pas sans biscuits de mer ! Sois toujours sobre et ne force jamais sur la bouteille à l’encre !
Last, but not least, garde toujours un gilet de sauvetage à portée de la main et entretien bien les canots de sauvetage, on ne sait jamais ! En cas de fortune de mer, n’en fais pas une montagne ! Ce n’est pas la mer à boire ! Il ne manque pas de filles dans d’autres ports ! Surtout, évite de filer ton câble par le bout !
Cher capitaine, j’espère que ne m’en voudras pas de mon franc-parler et que tu recevras cinq sur cinq cette bouteille à la mer. Et maintenant, à Dieu vat et que vogue la galère !
Le gardien du sémaphore
Louis
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