Introduction. Le florilège des florilèges des grandes citations sur la communication
Ce blog comprend deux parties, l’une évolutive concerne les articles que j’y publie périodiquement, l’autre permanente porte sur « Le florilège des 170 meilleures citations sur la communication ». J’ai voulu constituer ici un florilège de ce florilège en ne retenant de ces 170 citations que les onze qui me semblent les plus significatives en ce qui concerne la structuration au sens le plus large de la communication. J’y ai ajouté trois nouvelles citations. L’ensemble figure dans la Mind Map ci-dessus.
Ces quatorze citations vont du général au particulier et de la rhétorique proprement dite aux N.T.I.C.(1) en commençant, sur la partie gauche de la Mind Map, par celle que j’attribue au « Philosophe grec inconnu » (n° 1) et en se poursuivant, sur la partie droite, par celle de Jésus-Christ (n° 8).
Les quatre premières citations portent sur certaines caractéristiques générales de la communication, dont notamment deux définitions (n° 1 et 4). La citation n° 5 (Freud) concerne la première et l’une des plus importantes des cinq étapes de la rhétorique : trouver les idées. Les citations n° 6 (Descartes) et 7 (Lord Kelvin) illustrent le premier langage de la rhétorique : la logique, la citation n° 8 (Jésus-Christ) le second langage : l’éthique et les citations n° 9 (Montaigne) et 10 (Paul Ekman) le troisième langage : la psychologie. Les citations n° 11 à 14 concernent les N.T.I.C.
Les trois nouvelles citations, par rapport au Florilège du blog, sont celles concernant Jacqueline de Romilly (n° 3), Bill Gates (n°13) et Tony Buzan (n°14).
- Le philosophe grec inconnu
Dans « Les trois énormes lacunes de la communication » j’écrivais que la principale et la plus surprenante de ces lacunes est l’absence, dans les principaux dictionnaires, d’une définition exacte de la communication c’est-à-dire d’une définition établissant que cette dernière est avant tout « contenu » , lequel ne peut être que le fruit de notre pensée. Les N.T.I.C. ne sont que le « contenant« , c’est-à-dire des tuyaux, certes merveilleux, par lequel passe ce contenu. D’où ma recherche d’une définition exacte chez les grands auteurs.
« Bien parler, c’est bien penser » est sans doute la meilleure des définitions de la communication. Malheureusement son auteur n’est pas connu. Par son extraordinaire concision, cinq mots seulement, sa simplicité et sa précision — le lien indissociable entre pensée et communication est très clairement affirmé — elle m’a semblé digne des rhétoriciens de l’antiquité. C’est pourquoi je l’ai attribuée au « philosophe grec inconnu ».
D’autres auteurs vont dans le même sens :
«Avant d’écrire [ou de parler], apprenez à penser. Selon que notre pensée est plus ou moins obscure, notre communication sera plus ou moins claire». (Nicolas Boileau — Art poétique -)
«Il ne peut y avoir, d’un côté, le fond, de l’autre, la forme. Une mauvaise [communication] c’est une pensée imparfaite». (Jules Renard).
«Les aspects techniques de la communication ne doivent pas cacher l’essentiel : la communication a pour objet de faire passer un message. L’idée erronée est que l’on communique bien parce qu’on dispose de moyens techniques sophistiqués. (Wikipedia)
Une autre définition importante en ce qui concerne la communication est celle de la nature humaine. On sait que Freud mettait la libido, au sens large, au centre de celle-ci. Ses successeurs, Françoise Dolto et Jacques Lacan, notamment mettent l’accent sur le désir de communication. C’est une évolution importante qui prend tout son sens dans la civilisation de la communication dans laquelle nous sommes entrés. C’est en fonction de ce désir essentiel et de ses diverses composantes que la communication doit être comprise et élaborée et non en fonction d’habitudes intellectuelles, d’idées toutes faites, d’a priori, d’idéologies ou d’utopies. C’est paradoxalement ce qu’on su faire les philosophes de l’antiquité grecque plus de deux mille ans avant l’arrivée des sciences humaines. La grande originalité de la rhétorique est qu’elle a été élaborée en fonction des trois fondamentaux de la nature humaine (cf. § 4). On voit bien tout le génie des grands auteurs dans la simplicité et la concision – quatorze mots compréhensibles par tous – que donne de celle-ci Françoise Dolto :
« L’homme est essentiellement un être de langage et son désir essentiel est la communication ».
Définition que l’auteur précise très finement comme suit :
« Nous n’existons que parce que nous sommes reconnus par d’autres et ceux-ci n’ont, à leur tour, d’existence que parce que nous nous retrouvons en eux à la fois semblables et autres »
Tout d’abord je précise que, pour moi, communication et rhétorique sont bonnet blanc et blanc bonnet, c’est-à-dire la même chose. La définition courante de la rhétorique est restrictive : « l’art de persuader ». Je lui préfère de beaucoup ce qu’elle est réellement : « la recherche de l’expression optimale de la pensée par le langage« .
La rhétorique a d’ailleurs connu des fortunes diverses au cours des siècles. A certaines époques elle était considérée, à juste titre, comme la base même de l’enseignement, à d’autres comme un simple « ornement de langage ».
Voici ce qu’en dit aujourd’hui un orfèvre en la matière, Jacqueline de Romilly, que Wikipedia présente comme suit : « Membre de l’Académie française, première femme professeur au Collège de France et première femme membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, elle est connue sur le plan international pour ses travaux sur la civilisation et la langue de la Grèce antique » :
« La rhétorique se situe à la plus haute place parmi les sciences authentiques ». (2)
On ne saurait rendre un plus bel hommage à la rhétorique. Celui-ci prend toute sa valeur sur le plan pratique lorsque l’on sait que cette discipline est couramment enseignée aux États-Unis alors que son enseignement a été supprimé en France en 1902, ce qui fut, à mon avis, une catastrophe pédagogique, psychologique et économique majeure.
Il y a pour moi, en effet, une corrélation évidente entre le fait que les Etats-Unis sont les seuls inventeurs de la civilisation de la communication, civilisation dans lesquels ils occupent une position de leadership sinon de monopole et le maintien de l’enseignement de la rhétorique. On sait, notamment que le modèle universitaire américain est devenu un modèle mondial et que les onze N.T.I.C. existantes à ce jour y ont toutes été inventées. (V. États-Unis : 20.000 centres de formation à la communication).
On considère qu’Aristote est le codificateur de la rhétorique, laquelle existait avant lui, notamment avec les sophistes. En tant que l’un des principaux auteurs de la rhétorique, Aristote est le héraut de ce système de pensée et de communication, système qui est résumé sous la forme du triangle rhétorique. C’est tout le génie des philosophes grecs que d’avoir identifié les trois fondamentaux, intemporels et universels, de la nature humaine : la raison, les valeurs et les affects ainsi que les trois langages correspondants : la logique, l’éthique, et la psychologie.
L’expérience démontre constamment que pour une communication soit pleinement efficace celle-ci doit s’adresser simultanément, de manière équilibrée et adaptée selon le sujet, à ces trois fondamentaux de la nature humaine. (V. Le triangle rhétorique, base de toute communication réussie).
On doit aussi à Aristote deux définitions essentielles concernant la qualité principale du communicant : instaurer la confiance et celle de la communication : la clarté. Sans confiance, il n’est pas de co-mmunication possible, d’où la grande importance de l’éthique, quoique souvent oubliée dans notre société en manque de repères. De même l’absence de clarté est la source même de l’incompréhension et de ce fait de l’inefficacité de la communication. Une autre définition de la rhétorique est d’ailleurs l’étude de l’incompréhension.
La première et essentielle des cinq étapes de la démarche rhétorique est la recherche des idées ou des arguments. Les quatre autres sont : la mise en ordre des idées, leur mise en style écrit et verbal, leur mémorisation, et seulement en cinquième position la prise de parole. J’écrivais à ce sujet dans « Pourquoi la rhétorique demeure-t-elle aussi efficace ? » qu’une grande partie de la théorie des lieux que la rhétorique consacre à la recherche des idées est obsolète, ce qui est aussi l’avis de nombreux auteurs beaucoup plus qualifiés. La théorie des lieux est en grande partie invalidée par le processus de l’association des idées que Freud a défini comme la méthode de base de la psychanalyse. Mais l’association des idées fonctionne aussi très efficacement dans la vie courante. Elle est même considérée par certains psychologues comme « la faculté maîtresse de l’esprit ». (V. « Onze méthodes pour trouver les idées et les arguments»).
Il est intéressant de constater que les importants travaux que Jacqueline de Romilly, qui était par ailleurs professeur de lettres, à consacré à l’organisation de l’enseignement et aux processus d’apprentissage (3) confirment tout à fait, par l’expérience, l’importance de l’association des idées. Cet auteur considère que les connaissances et les méthodes acquises au cours de la scolarité constituent une sorte de base de données plus ou moins consciente dans laquelle l’esprit puise ensuite tout au cours de la vie. D’où l’extrême importance de l’acquisition de ces connaissances non seulement d’ailleurs au cours de la scolarité mais aussi tout au long de la vie. D’où, autrement dit, l’extrême importance de la culture générale, aujourd’hui délaissée au profit des formations directement utilitaires.
La logique est, on l’a vu plus haut, le premier langage de la rhétorique. Bien qu’il s’agisse d’une discipline très complexe il est indispensable d’en avoir quelques notions. Un conseil souvent donné en matière de rédaction est « Soyez logique » mais il est rarement précisé comment on y parvient !
En dépit des progrès de la logique, notamment en matière de mathématiques, la logique cartésienne demeure d’usage courant, notamment dans le monde de l’entreprise. On rappelle à ce sujet que la « Vérité » serait du domaine de la science, « Vérité » toutefois relative car fluctuant en fonction des nouvelles découvertes, tandis que le « vraisemblable » serait du domaine de la rhétorique et de la vie courante. Par rapport aux progrès de la logique scientifique, à base mathématique, la logique cartésienne serait en quelque sorte devenue la logique du vraisemblable, utilisable dans la vie courante.
Ses quatre règles, exposées dans le « Discours de la méthode », peuvent être résumées comme suit : analyse, synthèse, évidence, dénombrement. Je les ai examinées dans : « Onze méthodes pour trouver les idées et les arguments ».
Lord Kelvin est un physicien britannique reconnu pour ses travaux en thermodynamique. Il est l’auteur de la formule :
« On ne connait bien que ce que l’on peut chiffrer ».
Or, les chiffres et plus particulièrement les statistiques constituent l’un des moyens de preuve en matière de rhétorique. Par ailleurs la vérité scientifique repose sur des éléments chiffrés, mesurables, et reproductibles. Les chiffres apportent la précision en matière de communication. Ils constituent des synthèses et sont l’une des bases de la logique. Mais il ne faut pas en abuser en matière de communication en raison même de leur caractère synthétique et donc abstrait.
Bien avant l’arrivée du christianisme, la rhétorique antique consacre de longs développements à l’éthique, deuxième langage de cette discipline. Selon celle-ci l’orateur devait être un homme de bien, disant la vérité et jouissant d’une bonne réputation.
La parabole des sépulcres (ou tombeaux) blanchis que relate l’évangile de saint Mathieu illustre à merveille l’hypocrisie de certains qui se donnent « l’apparence d’hommes justes » mais qui « à l’intérieur sont pleins d’hypocrisie et de mal ». Cette hypocrisie peut faire illusion un moment mais elle éclate souvent au grand jour, au grand dam des intéressés. Chacun aura à l’esprit le cas de trois hommes politiques français auxquels cette duplicité a coûté fort cher, d’autant plus qu’ils prônaient eux-mêmes la plus grande rigueur à leurs administrés. Le psychanalyste américain Scott Peck est l’auteur d’un best-seller mondial, « Les gens du mensonge » (4) consacré à cet obstacle fondamental à la communication qu’est le non respect des faits, de la vérité, sous les formes les plus diverses et les plus subtiles.
L’éthique semble être, à tort, le langage de la rhétorique le plus oublié dans notre société en perte de repères.
De nombreux auteurs ont insisté, comme Montaigne, sur la grande importance de l’écoute en matière de communication. Voici ce qu’il en disait :
« La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute »
Au-delà de l’écoute proprement dite que complète souvent le sens visuel, notamment dans les réunions de toutes sortes, il s’agit plus généralement pour le communicant de tenir compte de son public. Qui est-il ? Hostile ou sympathisant ? Comment recevra-t-il le message ? Comment le ton et le style du message le toucheront-ils ? Quel est le public expressément visé par le message ? Quel est le public involontaire ? Le message et l’effet du message sont-ils susceptibles d’évoluer dans le temps ?
Voici quelques autres citations sur l’écoute :
« L’idéal du sage est une oreille qui écoute » (Ben Sirach le sage)
“Bien écouter, c’est presque répondre (Marivaux)
“La communication consiste à comprendre celui qui écoute” (Jean Abraham)
« La chose la plus importante en communication c’est d’entendre ce qui n’est pas dit » (Peter Drucker)
Le troisième langage de la rhétorique, la psychologie, permet de toucher les affects, soit par le langage lui-même, notamment par les comparaisons, les images, les métaphores soit par la communication non verbale.
La rhétorique insiste beaucoup sur la communication non verbale, sur la gestuelle, sur l’apparence corporelle et vestimentaire de l’orateur. Mais les références de cette discipline en la matière quoique globalement pertinentes sont par ailleurs souvent obsolètes dans le détail. D’autre part les rhétoriciens ne disposaient pas des moyens audiovisuels actuels pour illustrer leurs conseils lesquels ne nous sont parvenus que par l’écrit. Il est dans ce domaine bien préférable de se référer aux auteurs modernes, notamment aux psychologues, qui n’existaient pas dans l’antiquité gréco-romaine, et qui ont suscité des avancées importantes dans la connaissance de la nature humaine.
Parmi les principaux auteurs, on peut citer Paul Ekman, que Wikipedia présente comme suit :
« Paul Ekman, né le 15 février 1934, est un psychologue américain. Il fut l’un des pionniers dans l’étude des émotions dans leurs relations aux expressions faciales Il est considéré comme l’un des cent plus éminents psychologues du XXe siècle.
Ekman affirme que les expressions du visage ne sont pas déterminées par la culture, mais qu’elles sont universelles (présentes de la même façon dans n’importe quelle culture), et partant biologiquement déterminées. Charles Darwin avait déjà conjecturé une pareille universalité des émotions faciales. Ces expressions qui, selon Ekman, sont universelles comprennent celles exprimant colère, dégoût, peur, joie, tristesse, surprise et mépris ».
Paul Ekam est connu, entre autres, pour ses travaux sur la détection des mensonges. Boris Cyrulnik dit de lui qu’« il a recensé des milliers d’expressions de la face ».
Avec Wikipedia nous entrons, après les citations concernant la rhétorique, dans celles qui portent sur les N.T.I.C., en suivant ainsi le fil directeur de mes recherches et de mon blog. Certes Wikipedia n’est pas un auteur mais une œuvre collective, une réunion d’une multitude d’auteurs. Mais, les bases de données, dont Wikipedia est une illustration emblématique, constituent un élément essentiel des N.T.I.C. et plus généralement de la civilisation de la communication ou de l’intelligence. Ce sont ces bases de données qui permettent un échange mondial et instantané des connaissances, inégalé dans toute l’histoire de l’humanité. D’autant plus lorsque l’accès en est gratuit comme dans le cas de Wikipedia.
Certes les articles de cette encyclopédie sont de qualité inégale et il convient donc de les consulter en gardant un esprit critique. Mais après un peu moins de vingt années d’existence, Wikipedia est devenue un élément incontournable de la civilisation de la communication. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
« Wikipédia est la plus grande encyclopédie du monde. Créée en 2001, elle est alimentée chaque jour par plus de cent-mille contributeurs à travers le monde. Elle est visitée chaque mois par près de 500 millions de visiteurs et propose plus de 30 millions d’articles dans plus de 280 langues ». « Plus de 25 000 articles sont créés par jour sur les différentes versions linguistiques de Wikipédia et on compte plus de 10 millions de modifications par mois » (Source Wikipedia)
Corrélativement avec le concept d’émotion ou d’affects, la notion de beauté est très présente dans la rhétorique : beauté du langage, du style, apparence de l’orateur, attention portée à la gestuelle et à la communication non verbale.
Raymond Loewy designer industriel et graphiste franco-américain est parfois considéré comme le père du design. Il est l’auteur d’un best-seller intitulé « La laideur se vend mal » (5). Il y applique dans le domaine industriel les grands principes de la psychologie, qui sont aussi ceux de la rhétorique, illustrant ainsi incidemment le caractère universel de la discipline. Une automobile ne doit-elle pas être logique, c’est-à-dire fonctionnelle, éthique, c’est-à-dire bien construite, et psychologique c’est-à-dire répondant aux affects, notamment par le design ?
Wilkipedia décrit ainsi une partie des réussites de Raymond Loewy :
« Raymond Loewy travaille pour de nombreuses marques comme Shell dont il dessine le logo, Coca-Cola pour qui il dessine divers objets aux couleurs de la marque, les voitures Studebaker, les cars des Greyhound Lines, etc. Sears, Roebuck and Company lui commande le design du réfrigérateur Coldspot en 1934 dont les ventes passent de 60 000 à 275 000 unités. C’est le début du succès. Avec le packaging du paquet de cigarettes Lucky Strike en 1940, ce réfrigérateur constitue un cas d’école dans le redesign d’objets de consommation ».
La très pertinente formule du fondateur de Microsoft « Le logiciel est une excellente combinaison entre l’art et l’ingénierie » s’applique tout à fait à la complémentarité entre la rhétorique et les N.T.I.C. Il est clair que l’art de penser et de communiquer qu’est, en définitive, la rhétorique trouve une nouvelle jeunesse, une nouvelle dynamique, une modernité grâce aux N.T.I.C. Par exemple, un outil aux multiples fonctions comme le traitement de texte Word permet de réaliser des documents courants d’une présentation logique et d’une qualité graphique inégalées auparavant et de toucher ainsi beaucoup plus précisément qu’avec la plume d’oie ou même la machine à écrire la raison et les affects chers au premier et au troisième langage de la rhétorique : la logique et la psychologie. Il en est ainsi, par exemple, des fonctions de table des matières, des galerie de styles, des dizaines de formats de police de caractères, de la possibilité d’inclure des illustrations et des vidéos .
Mais le traitement de texte n’est qu’un exemple parmi d’autres des nombreux outils numériques qui facilitent de manière importante l’élaboration du binôme communication/rhétorique tels les innombrables bases de données, les logiciels d’aide à la communication comme Mind Map et PowerPoint, les correcteurs et dictionnaires comme Antidote, sans oublier le logiciel d’apprentissage de l’orthographe Projet Voltaire. N’oublions pas le rôle essentiel de l’orthographe, de la grammaire et de la syntaxe dans la structuration de la pensée, et donc de la communication.
Tony Buzan est le créateur de Mind Map, le plus performant des logiciels permettant de réaliser des arborescences. On sait que les deux principaux moyens graphiques de présenter des idées sur un document sont les tableaux et les arborescences. Il n’est donc pas étonnant que l’industrie du logiciel se soit intéressée à ces outils. Microsoft a créé PowerPoint, dont les listes à puces ont la même fonction que les cases d’un tableau : situer précisément une idée sur un document écrit.
Mais PowerPoint n’est qu’un logiciel de présentation alors que Mind Map est à la fois, par sa structure en arborescence, un logiciel d’aide à l’élaboration de la pensée et un logiciel de présentation. La structure en arborescence permet notamment de réaliser les deux opérations de base de la pensée que sont l’analyse et la synthèse, opérations qui sont renforcées par l’utilisation exclusive de mots-clés et l’élimination de phrases, à la différence de Power Point. Le tronc de l’arbre représente le sujet traité, les branches maîtresses les principales idées et les branches secondaires, tertiaires etc le déroulement de l’analyse (6). Mind Map est très peu connu en France mais il est diffusé à plusieurs centaines de millions d’exemplaires dans les pays anglo-saxons.
Tony Buzan a une très haute idée de l’efficacité de la carte heuristique, dont Mind Map est une application, puisqu’il affirme qu’il s’agit : « à l’ère de l’intelligence… de l’instrument suprême ». Il a publié sur ce sujet un best-seller : « Mind Map. Dessine-moi l’intelligence » (7). Pour ma part, tout en utilisant couramment Mind Map et en appréciant au plus haut point sa puissance en matière d’aide à la pensée et à la communication, je n’irai pas jusque-là. Mind Map n’est, comme tous les outils numériques, qu’un outil au service de la pensée qui est, elle, structurée et formalisée par la rhétorique.
Conclusion. Une évidence : la prééminence de la rhétorique sur les N.T.I.C.
A l’heure de l’intelligence artificielle, l’opinion de Tony Buzan que je viens de citer illustre bien, à mon avis, l’une des principales dérives que celle-ci peut susciter, à savoir son assimilation pure et simple à l’intelligence humaine. Les N.T.I.C., bases de l’intelligence artificielle, ne sont actuellement, je ne cesse de le répéter, que des tuyaux, certes merveilleux, mais des tuyaux seulement, au service de la pensée. Cette dernière demeure, en l’absence totale d’autre méthode associant rigoureusement et complètement pensée et communication, la spécificité exclusive de la rhétorique.
Quelle autre discipline que la rhétorique a-t-elle défini les trois fondamentaux universels de la nature humaine, la raison, les valeurs, les affects et les trois langages correspondants : la logique, l’éthique et la psychologie sans la connaissance desquels toute communication demeure sans fondement, aléatoire, inefficace ? Quelle autre discipline a-t-elle défini les cinq étapes et les méthodes correspondantes de toute communication : trouver les idées, les mettre en ordre logique puis stylistique, les mémoriser et les verbaliser ? Quelle autre discipline a-t-elle défini les cinq parties du discours ? Quelle autre discipline, enfin, a-t-elle défini la centaine de figures de rhétorique qui aident à « optimiser la pensée par le langage » ?
Lorsque l’intelligence artificielle commencera à égaler les performances de la rhétorique, l’humanité aura sans doute des soucis à se faire. Mais, cela ne semble pas être demain la veille si l’on en juge, pour ne prendre qu’un seul exemple test, par l’incapacité actuelle des logiciels de traduction à traduire un texte exprimant une pensée un peu complexe, a fortiori de la poésie.
Je laisserai le mot de la fin de cette revue rapide et incomplète des grands auteurs dont la pensée a fait évoluer la communication à celle qui fut sans doute l’une des dernières représentantes éminentes de la culture humaniste (désolé pour ce pléonasme !) : Jacqueline de Romilly. On commence à s’apercevoir que cette culture manque cruellement à notre époque déshumanisée, déculturée, alors même qu’elle est par ailleurs l’antidote aux dérives du numérique et de l’intelligence artificielle.
«La rhétorique est passée par une série d’étapes qui l’ont conduite, dans un progrès continu, à la plus haute place parmi les sciences authentiques»
« A une époque qui voit paraître tant de textes sur la parole et le langage, où le discours occupe une place proéminente, la réflexion sur la rhétorique …nous concerne pleinement ».
Notes et références
- N.T.I.C. : Nouvelles technologies de l’information et de la communication. A ce jour, il en existe onze, toutes inventées aux U.S.A. : informatique personnelle, internet grand public, bases de données, moteurs de recherche, réseaux sociaux, cloud, smartphones, tablettes, liseuses numériques, montres intelligentes, casques à réalité virtuelle.
- Jacqueline de Romilly. Magie et rhétorique en Grèce ancienne. Les Belles Lettres. Avril 2019
- Jacqueline de Romilly. Ecrits sur l’enseignement. Editions de Fallois. 1991
- Scott Peck. Les gens du mensonge. Editions J’ai lu. 1997
- Raymond Loewy. La laideur se vend mal. Gallimard. 1990
- La Mind Map qui illustre le présent article n’est pas un exemple courant des possibilités d’analyse et de synthèse de ce logiciel. Voir plutôt à ce sujet : « Le nouveau guide pratique des principales figures de rhétorique« .
- Tony Buzan. Mind map. Dessine-moi l’intelligence. Eyrolles et BBC. 2016
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