Introduction. Qu’est ce que la synchronisation en matière de communication ?
Ie PARTIE – QUATRE DISTINGUOS ESSENTIELS
1. Bien distinguer la communication verbale et non verbale de la communication en général
2. Bien distinguer les communications verbale et non verbale de la communication écrite
3. Bien distinguer la communication verbale ou non verbale de l’information proprement dite
4. Bien distinguer communication entre deux personnes et communication de groupe
IIe PARTIE – SYNCHRONISATION ET COMMUNICATION NON VERBALE
1. Les deux langages de la communication non verbale : le langage corporel, les signes de statut socio/professionnel
2. La communication non verbale peut être volontaire ou involontaire, consciente ou inconsciente
3. Non, Mr Merhabian, la communication non verbale n’est pas toujours 93% de la communication !
4. Sélection d’ouvrages et d’articles sur la communication non verbale
4.1. Wikipédia. Communication non verbale
4.2. Le nouveau dico P.N.L. Jane Turner et Bernard Hevin.
4.3. La communication non verbale. Catherine de Lavergne.
4.4. Quintilien – De l’Institution de l’Orateur
4.4.1. Prééminence de la phase préparatoire
4.4.2. Les quinze catégories de signaux corporels
IIIe PARTIE – SYNCHRONISATION ET PNL
1. La PNL en tant que méthode de communication
2. L’utilité du vocabulaire de la PNL en matière de synchronisation
3. P.N.L, synchronisation et communication : le témoignage d’une infirmière
IVe PARTIE – SYNCHRONISATION ET RHETORIQUE
1. Le rôle essentiel de la rhétorique en matière de synchronisation
2. La synchronisation avec les trois fondamentaux ou processus cognitifs/communicatifs de la nature humaine
3. Deux facteurs de synchronisation essentiels issus de la rhétorique : la confiance et la clarté
4. La confiance suscitée par l’orateur : importance du bon sens, de la vertu, et de la bienveillance
5. La clarté de la communication
Ve PARTIE – TROIS EXEMPLES DE SYNCHRONISATION. LE GENERAL DE GAULLE, LOUIS DE FUNES, HITLER
1. Le général de Gaulle : l’alliance du contenu et de la voix
1.1. Analyse du contenu : la synchronisation au plus haut degré
1.1.1. La logique : synchronisation avec la raison
1.1.2. L’éthique : synchronisation avec les valeurs
1.1.3. La psychologie : synchronisation avec les affects
1.2. Analyse de la communication non verbale : synchronisation par l’intonation
2. Louis de Funès : communication non verbale : 93% ! Contenu : 7% !
3. Hitler : Le charisme et l’excellence oratoire liés à une préparation intensive de la communication verbale et non verbale
Conclusion. Omniprésence et diversité de la synchronisation dans la communication
Introduction. Qu’est-ce que la synchronisation en matière de communication ?
De tout temps les grands communicants, que ce soient les philosophes grecs de l’antiquité ou les psychologues contemporains, notamment américains, se sont intéressés au phénomène essentiel qu’est la synchronisation de la communication, encore que sous d’autres noms avant l’époque moderne. Ceci n’a rien de surprenant : l’objectif essentiel de toute communication n’est-il pas de toucher un destinataire, individu ou groupe, et pour ce faire d’être en phase, d’être synchronisé de manière optimale avec celui-ci ? La compréhension d’un message quel qu’il soit et le niveau d’adhésion que celui-ci suscite sont directement liés à la précision de la synchronisation.
Malgré son origine grecque manifeste, le mot synchronisation n’est apparu, à ma connaissance, que récemment en matière de communication. Ce concept figure pour la première fois, semble-t-il, dans des ouvrages de Programmation Neuro-Linguistique (P.N.L.). L’excellent » NOUVEAU DICO P.N.L. » la définit comme suit :
“La Synchronisation est à la fois un outil qui sert à établir le Rapport [entre communicant et récepteur] et une mesure de celui-ci”, sachant que le Rapport est lui-même “la relation de confiance et de coopération établie dans un climat de sécurité et de confiance mutuelle” … “Le rapport est une base incontournable de l’axe relationnel de toute communication”.
Depuis une cinquantaine d’années, on observe une certaine tendance à circonscrire de manière réductrice cette indispensable synchronisation à la seule communication non verbale. Il en est ainsi, par exemple, de la trop célèbre théorie des trois V (Vocal, Verbal, Visuel) du psychologue américain Albert Merhabian., sur laquelle je reviendrai. Certains auteurs généralisent abusivement ces trois concepts à l’ensemble de la communication laquelle serait, selon eux, à 93 % non verbale, ce qui est manifestement erroné.
Malgré le grand intérêt que présente la synchronisation dans le domaine de la communication non verbale il semble indispensable d’intégrer celle-ci dans une approche globale en raison même de la nature globale de la communication, cette dernière étant elle-même indissociable de l’exercice de la pensée. Circonscrire la communication au sens général à la seule communication non verbale, c’est-à-dire à la communication corporelle et par les signes de statut social c’est, à mon avis, voir les choses par le petit bout de la lorgnette et passer à côté de l’essentiel, c’est-à-dire à côté de la synchronisation avec la pensée et le langage.
Cet article comprendra les cinq parties suivantes :
I – La première portera sur la définition des formes et contextes de la communication : écrite, verbale, non verbale, entre deux personnes ou face à un public, ainsi que sur la différence entre communication et information factuelle. Ces définitions sont importantes, car la plupart des erreurs en matière de communication découlent, à mon avis, d’imprécisions en matière de définition.
A-t-on bien conscience, par exemple, que l’expression corporelle et vestimentaire, dont on fait grand cas en matière de communication verbale, n’existe pas par définition dans la communication écrite, qu’il est très différent de se synchroniser avec une seule personne ou avec un groupe, ou encore que la synchronisation ne revêt pas les mêmes formes selon qu’il s’agit de communication au sens propre du terme, c’est-à-dire d’un échange, ou d’information purement factuelle ?
II – La seconde partie concernera la communication non verbale au sens courant du terme c’est à dire sous ses deux formes ou langages principaux : le langage corporel et les signes de statut social. J’y procéderai par ailleurs à une sélection d’ouvrages ou d’articles de synthèse sur ce sujet.
Avec la communication verbale, la communication non verbale ne constitue que la cinquième et dernière phase de l’art oratoire et sort de ce fait de mon propos habituel qui porte sur les quatre étapes préparatoires, essentielles, de cet art (Cf « Le triangle rhétorique base de toute communication réussie »). Mais c’est en l’étudiant que l’on comprend peut-être le mieux l’importance des phénomènes de synchronisation/désynchronisation en matière de communication. En effet ces phénomènes, corporels ou liés aux signes de statuts sociaux, sont très concrets et par conséquent plus observables et mesurables que les processus intellectuels de synchronisation.
III – La troisième partie sera consacrée à l’utilisation de la Programmation Neuro Linguistique (PNL) en matière de synchronisation de la communication. Par l’application de certaines des sciences cognitives, telles que la psychologie et la linguistique et la définition de protocoles opérationnels la PNL peut être considérée comme une approche scientifique de la synchronisation par rapport à la démarche empirique classique.
IV – La quatrième partie portera sur le point capital, à mon avis, mais souvent ignoré, que sont les processus intellectuels de la synchronisation de la communication. Bien avant la gestuelle et les signes de statuts sociaux-professionnels il importe de se synchroniser avec la pensée et le langage. Nous verrons que la rhétorique joue un rôle essentiel dans ce domaine.
V – Enfin, dans la cinquième partie, j’analyserai trois exemples très différents de synchronisation de la communication, dont deux illustrés par des videos et le troisième par des photos, ceci afin de faire apparaitre la diversité des méthodes en la matière. Ces exemples porteront sur des discours du général de Gaulle et d’Hitler et sur un condensé des films de Louis de Funès.
La synchronisation de la communication, compte tenu de son imbrication dans la pensée et le langage et par conséquent dans de multiples disciplines telle que la logique, la psychologie, la sémantique, l’analyse marketing et j’en passe est un très vaste sujet qui mériterait de longs développements. Il est clair que l’optimisation de la synchronisation de la communication est proportionnelle à la connaissance que le communicant a de son interlocuteur ou de son public. Avec les N.T.I.C. les possibilités d’investigations sur ce sujet ont été multipliées tant quantitativement que qualitativement. Je me limiterai ici à dégager certaines notions de base qui semblent essentielles, sans aucune prétention à l’exhaustivité.
Ie PARTIE – QUATRE DISTINGUOS ESSENTIELS
Il est clair qu’on ne communique pas de la même manière par écrit ou verbalement, selon que l’on délivre une information purement factuelle ou que l’on défend une cause ou encore lorsqu’il s’agit d’un entretien entre deux personnes ou d’une conférence face à un public plus ou moins nombreux.
Il convient d’opérer quatre distinguos essentiels entre les différentes formes et/ou les différents contextes de la communication
1. Bien distinguer la communication verbale et non verbale de la communication en général
1.1. La communication en général : « Bien parler c’est bien penser »
« Bien parler, c’est bien penser » est l’une des principales définitions de la communication en général qui figure dans le Florilège des citations de ce blog, sous le thème « Définition de la communication » ainsi que dans l’article « Communication : à la recherche de la définition perdue« . Elle a le grand mérite de rappeler que la communication, qui est avant tout un message, un contenu, est nécessairement le fruit de la pensée. Dans « Pourquoi la rhétorique demeure-t-elle aussi efficace » ? j’exposais que ce qui fait l’originalité et la force de la rhétorique est précisément qu’elle est à la fois méthode de pensée ET méthode de communication.
La prééminence de la pensée en matière de communication a des conséquences fondamentales. La pensée s’exerce dans les quatre premières phases de l’art oratoire : trouver les idées, les mettre en ordre puis en style et les mémoriser. La phase oratoire proprement dite, dont font partie la communication verbale et non verbale, ne constitue que la cinquième et dernière phase. Elle est la résultante des quatre phases précédentes qui en sont la préparation. La communication non verbale est, comme la communication verbale, étroitement conditionnée par les quatre étapes de la phase préparatoire dont elle est la conséquence et le complément
1.2. La communication non verbale
La communication non verbale est le fait d’envoyer et de recevoir des messages sans passer par la parole, par les mots. Ces messages non verbaux, volontaires ou involontaires, conscients ou inconscients, peuvent être transmis par deux moyens principaux : soit par le corps – on parle alors de langage corporel – soit par des signes liés au statut social et/ou professionnel tels que la tenue vestimentaire, la toilette corporelle ainsi que certains signes distinctifs
La communication non verbale n’est pas, contrairement à certaines thèses qui prônent sa prééminence, une phase autonome de la communication, surgie de je ne sais où, ex nihilo. Elle se situe, on vient de le voir, en bout de ligne de l’art oratoire, comme la communication verbale.
2. Bien distinguer la communication verbale et non verbale de la communication écrite
Pour bien situer le rôle et l’importance de la communication verbale ou non verbale il n’est peut-être pas inutile de rappeler que ni l’une ni l’autre ne peuvent se substituer à la communication écrite, même à l’heure de l’audio-visuel. Il ne faut pas oublier que dans la rhétorique antique, dès qu’il s’agissait d’un sujet d’une certaine importance, la préparation de l’intervention verbale passait nécessairement au préalable par la rédaction écrite intégrale de cette intervention. Cette pratique demeure tout à fait pertinente.
Elle se justifie par le fait que le travail de la pensée, élément fondamental de la communication on vient de le voir, pour s’effectuer d’une manière rigoureuse, passe nécessairement par l’écrit. Or dans cette phase essentielle qu’est la communication écrite la communication non verbale ne joue directement aucun rôle même si le texte écrit doit être conçu de manière à faciliter ensuite sa verbalisation, ce qui était d’ailleurs l’objet de la troisième étape de la rhétorique : la mise en style.
Le risque des théories qui portent au pinacle la communication non verbale est de faire oublier que la base de la communication est, par définition, la pensée et que la phase préparatoire, nécessairement écrite, qui est le lieu privilégié où celle-ci s’exerce, est indispensable.
3. Bien distinguer la communication verbale de l’information proprement dite
Les travaux d’Albert Mehrabian portent expressément sur la communication, en l’occurrence sur la communication non verbale, et non sur l’information proprement dite encore que les deux soient le plus souvent étroitement liés.
Le rôle de la communication non verbale semble secondaire dans beaucoup de disciplines concernant ce que l’on peut appeler l’information factuelle pure, telles que les émissions d’information de radio et de télévision ou la communication dans l’entreprise.
Lorsque, par exemple, je consulte la météo sur une chaine de télévision, je peux certes préférer tel ou tel présentateur ou présentatrice en raison de son image corporelle et vestimentaire ainsi que son expression verbale mais ce qui m’intéresse au premier chef c’est de connaitre le temps qu’il fera dans une zone géographique déterminée. La communication non verbale de ces présentateurs ne joue qu’un faible rôle par rapport à l’information factuelle qu’ils délivrent.
A l’inverse la communication non verbale jouera un rôle essentiel dans certains métiers artistiques, tels que celui d’acteur ou de chanteur, ou encore dans certaines situations individuelles de la vie privée ou professionnelle.
4. Bien distinguer communication entre deux personnes et communication de groupe
C’est sans doute dans la communication entre deux personnes que la synchronisation de la communication non verbale peut être la plus précise. Il est clair, par exemple, qu’on peut facilement synchroniser sa respiration sur celle d’un interlocuteur unique, mais que cela n’est en général plus possible lorsqu’on s’adresse à un groupe. De même les expressions faciales d’un interlocuteur unique sont aisément perceptibles et donc reproductibles dans un souci de synchronisation, alors qu’il n’en est pas de même en ce qui concerne un groupe. Cela dit la gestuelle du communicant doit toujours être synchronisée avec ses propos au risque dans la négative d’envoyer un message d’insincérité ou de froideur.
IIe PARTIE : SYNCHRONISATION ET COMMUNICATION NON VERBALE
1. Les deux langages de la communication non verbale : le langage corporel, les signes de statut socio/professionnel
On a vu plus haut que la communication non verbale est le fait d’envoyer des messages sans passer par les mots et que ces messages peuvent être classés en deux catégories ; le langage corporel et les signes de statut socio-professionnel.
Le langage corporel est multiple. On verra plus loin que Quintilien ne distingue pas moins de quinze catégories de signaux corporels concernant les différentes parties du corps, tels les mimiques, les expressions du visage les gestes, la posture, l’attitude et pour le langage para verbal : le volume, la hauteur de la voix, la présence, le débit, l’élocution, les intonations.
Parmi les signes de statut professionnel on peut citer : la tenue vestimentaire, la toilette corporelle (coiffure, barbe, maquillage) et certains signes distinctifs tels que décorations, insignes, marques, bijoux, parfums, tatouages.
2. La communication verbale peut être volontaire ou involontaire, consciente ou inconsciente
Il est clair qu’un orateur peut volontairement et consciemment, par sa gestuelle, par les intonations de sa voix, par son image corporelle et vestimentaire orienter et renforcer son image et son message. Lorsque le Président de la République actuel revêt un uniforme de la marine nationale pour visiter le sous-marin le Terrible, visite au cours de laquelle il insiste sur l’importance de la dissuasion nucléaire, il est clair qu’il agit en tant que chef des armées. Il y a concordance, synchronisation entre la personne, le lieu, le vêtement et le propos.
A l’inverse il arrive assez fréquemment que la communication non verbale ne concorde pas avec la communication verbale, ce qui est en général involontaire et inconscient. L’embarras corporellement manifesté par la candidate du Front National lors du débat télévisé du 2e tour face aux questions incisives et ironiques d’Emmanuel Macron sur l’euro illustre bien la désynchronisation qui peut se produire à ce niveau non verbal lorsque la communication verbale n’est pas suffisamment structurée et précise. Lorsqu’on examine attentivement les micro expressions faciales du visage de Marine le Pen pendant cet échange décisif, on voit très clairement notamment qu’elle cille ou cligne des yeux, en somme qu’elle accuse le coup, sous l’impact des contre arguments de son adversaire.
Cette désynchronisation est sur le moment inconsciente ou semi consciente pour son auteur, mais pas pour l’interlocuteur ou le public ! Parmi d’autres manifestation de désynchronisation, plus spécifiques, la psychanalyse a bien mis en évidence le rôle des lapsus ou des actes manqués
3. Non, Mr Merhabian, la communication non verbale n’est pas toujours 93% de la communication !
Le psychologue américain Albert Merhabian est l’auteur de la théorie des trois V., pour Verbal, Vocal et Visuel. Celui-ci la résume par l’ « équation » (sic) suivante :
Communication. Total liking = 7% Verbal liking + 38% Vocal liking + 55% Facial liking
Il s’agissait là de la 1ère version de cette « équation ». Merhabian a ensuite remplacé le mot « liking » par « feeling », mot que je traduis faute de mieux, par « ressenti » ou par « perception », d’où la version française suivante :
Communication. Perception globale = 7% Verbal + 38% Vocal + 55% Facial
Malgré ma demande à l’American Society of Psychologie, seul site web qui propose les deux enquêtes sur lesquelles sont fondées cette théorie et le règlement des frais demandés, je n’ai pas pu les obtenir. Mais j’ai pu parcourir l’un des principaux ouvrages de Mehrabian, SILENT MESSAGES, publié en 1981, dans lequel il développe cette théorie tout en ne donnant que de très succinctes informations sur les enquêtes ci-dessus. J’ai par ailleurs consulté les articles de plusieurs auteurs qui ont, eux, eu accès à ces enquêtes. D’après ces différentes sources il semble qu’il s’agisse d’enquêtes qualitatives très spécifiques, réalisées auprès d’un très petit échantillon, de dix personnes, par ailleurs uniquement composé de femmes. Celles-ci devaient réagir à une série de questions fermées très spécifiques prononcées uniquement par une voix féminine.
Si ces informations sont exactes, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on ne peut absolument pas généraliser à partir de résultats aussi ponctuels. Ces enquêtes ont d’ailleurs été contestées par la communauté scientifique. Qui plus est, AlbertMerhabian lui-même met en garde sur les généralisations abusives qui en ont été faites.
Please note that this and other equations regarding relative importance of verbal and nonverbal messages were derived from experiments dealing with communications of feelings and attitudes (i.e.,like-dislike).
Unless a communicator is talking about their feelings or attitudes, these equations are not applicable. Also see references286 and 305 in Silent Messages — these are the original sources of my findings.
Veuillez noter que ceci et d’autres équations concernant l’importance des messages verbaux et non verbaux sont dérivés d’expériences portant sur la communication de sentiments et d’attitudes (c’est-à-dire j’aime-je n’aime pas)
« A moins qu’une communicant ne parle de ses sentiments ou de ses attitudes, ces équations ne sont pas applicables ») Voir aussi les références 286 et 305 dans Silent Messages. Ce sont les sources d’origine de mes recherches
Par ailleurs, dans SILENT MESSAGES, tout en utilisant le terme « equation » Merhabian indique que :
« Numerical values in this equation are only approximate ». (« Les valeurs numériques de cette équation sont approximatives »).
4. SELECTION D’OUVRAGES ET D’ARTICLES SUR LA COMMUNICATION NON VERBALE
Il me semble inutile de répéter ici ce qui est mieux formulé ailleurs par des auteurs plus compétents. Je me bornerai à citer quelques bonnes sources, ouvrages ou articles, sur ce sujet.
4.1. Wikipedia. Communication non verbale
Article de base sur le sujet. Outre la définition des types de communication non verbale et des moyens de communication non verbaux, cet article fait référence aux différentes théories concernant la communication non verbale. Il contient une importante bibliographie.
4.2. Le Nouveau DICO P.N.L. Jane Turner et Bernard Hevin. InterEditions. Paris 2006
Présentation de l’éditeur (Amazon) :
« La PNL est utilisée dans de nombreux domaines : vente, management, communication, coaching, thérapie, développement personnel, éducation, etc. Sorte de guide vert de la Planète PNL, cet ouvrage sera utile aussi bien au PNListe de passage qu’au praticien confirmé. Il explique ou rappelle au lecteur les mots et les notions de la PNL de façon claire et précise. Il contient également un glossaire bilingue ».
Biographie de l’auteur (Amazon)
« Enseignante certifiée en PNL par son cofondateur Richard Bandler, psychothérapeute, formatrice, coach. Formatrice en hypnose ericksonienne, spécialiste de la Ligne du Temps. Fondatrice avec Bernard Hévin du centre de développement personnel et professionnel parisien, le Dôjô, dont elle est la directrice ».
4.3. La communication non verbale. Catherine de Lavergne.
Article de synthèse (PDF, 7 pages) publié le 16/09/2010 par Catherine de Lavergne maître de conférences à l’université Paul Valéry Montpellier Co-responsable du Parcours Master « Communications numériques et Organisations »
Cet article porte essentiellement sur le langage du corps et les langages non verbal et paraverbal, soit pour le langage verbal : mimiques, gestes, regard, posture, et pour le langage paraverbal : le volume, la hauteur de la voix, l’élocution, les intonations, le débit, la respiration. Il comprend un « Tableau récapitulatif des différents types de gestes et expressions » ainsi qu’une bibliographie.
En revanche il ne traite pas les signes liés au statut social et/ou professionnel tels que la tenue vestimentaire, la façon de se coiffer, de se maquiller, les bijoux, voire le tatouage.
4.4. Quintilien – De L’Institution de l’Orateur
Des trois pères de la rhétorique, Aristote (384 av JC-322 av JC), Cicéron (106 av JC- 43 av JC ) et Quintilien (35 ap JC – 96 ap JC) ce dernier est le seul dont les œuvres complètes sur l’art oratoire nous soient parvenues, sous le titre « De l’Institution de l’Orateur ». Cet ouvrage très complet comprend quatre volumes divisés en douze livres. Il constitue l’ouvrage de référence pour qui s’intéresse à la rhétorique antique, ouvrage dont la lecture demeure très utile aujourd’hui. Quintilien se base souvent sur les travaux de ses deux prédécesseurs si bien qu’on a par la seule lecture de l’ « Institution de l’Orateur » une vision assez exacte de l’ensemble de la rhétorique antique.
4.4.1. Prééminence de la phase préparatoire
Sur les douze livres que comprend « De l’Institution de l’Orateur » Quintilien en consacre tout d’abord deux à la formation des enfants. Il n’y a donc que dix livres qui concernent directement l’art oratoire. Or, sur ces dix livres seul le onzième porte, très partiellement, sur la phase oratoire proprement dite, c’est-à-dire à la fois sur la communication verbale et non verbale. Autrement dit l’essentiel de l’ouvrage porte sur la phase préparatoire et ses quatre étapes : trouver les idées, les mettre en ordre puis en style, les mémoriser. Cette répartition très inégale de la place consacrée respectivement aux quatre premières étapes, préparatoires, de l’art oratoire et à la phase oratoire montre bien l’importance fondamentale de celles-ci. Il est intellectuellement impossible de s’intéresser à l’art oratoire et de le pratiquer sans passer par ces quatre premières étapes.
Dans le « Triangle rhétorique, base de toute communication réussie », j’exposais ceci :
Ce que, très souvent, nous attribuons à un exceptionnel talent oratoire, dont seule bénéficierait une toute petite élite, est principalement dû à l’application de méthodes et de techniques très précises et plus particulièrement, à une phase de préparation importante, essentielle. Cette phase conditionne toute la réussite de la communication.
4.4.2. Les quinze catégories de signaux corporels
On ne peut être que frappé lorsqu’on lit le chapitre de l’ouvrage de Quintilien consacré à la communication non verbale par l’extrême minutie avec laquelle l’auteur décrit les signaux corporels que l’orateur peut émettre, soit volontairement et consciemment, soit involontairement et inconsciemment. Ceux-ci ne concernent pas moins que les quinze parties du corps suivantes : la tête, le visage, les yeux, les paupières, les sourcils, le nez, les lèvres, le cou, les épaules, les bras, les mains, les doigts (en distinguant le medium, le pouce et l’annulaire !), la posture (en distinguant le ventre, les flancs, les reins !), les cuisses, les pieds !
Quintilien consacre ensuite plusieurs pages à l’habillement, à la toilette corporelle (coiffure, barbe), aux accessoires tels que les bijoux.
C’est dire toute l’importance que les rhétoriciens attachaient à la communication non verbale. Quintilien n’utilise pas à ce sujet le mot synchronisation qui, je l’ai dit dans l’introduction, est d’origine moderne, mais il en formule la nécessité en d’autres termes, notamment en faisant référence au sens du propos et à sa crédibilité :
« Un orateur doit fuir tout ce qui sent le bouffon et rapporter par conséquent son geste au sens plutôt qu’aux mots »
« Si le geste et le visage démentent le discours, si nous parlons d’une chose triste avec gaieté, si nous disons oui de l’air de dire non, nous faisons perdre à nos paroles non seulement toute autorité, mais même toute créance »
Il faut cependant replacer les conseils de Quintilien dans le contexte de son époque et se souvenir d’une part que le principal média était alors l’art oratoire, il n’y avait ni presse, ni radio, ni télévision, ni internet et d’autre part que l’orateur ne disposait pas des supports papiers ou numériques actuels. Tout l’impact d’un message devait donc être concentré dans la seule phase oratoire du discours. Par ailleurs l’information purement factuelle tend aujourd’hui à prendre une place de plus en plus grande dans la communication. A l’Assemblée Nationale, rares sont les députés qui se risquent à l’art oratoire et encore ne le font ils que dans de rares circonstances alors que c’était encore une pratique fréquente à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, comme en témoignent les discours de parlementaires de l’époque tels que Clemenceau, Jean Jaurès ou Léon Blum.
IIIe PARTIE – SYNCHRONISATION ET PNL
1. La PNL en tant que méthode de communication
Comme pour toute discipline structurée l’apprentissage de la P.N.L. nécessite une formation assez longue, plus d’une centaine d’heures, ce qui la rend difficile à résumer et ce d’autant plus qu’elle est avant tout une méthode thérapeutique et/ou de changement de comportement. Cette spécificité l’oriente plus vers les rapports entre deux individus, thérapeute ou coach et patient ou client, que vers la communication vis-à-vis d’un groupe.
La P.N.L. est basée notamment sur les sciences cognitives, en particulier sur différentes formes de la psychologie mais aussi sur la linguistique, l’informatique, la philosophie, les neurosciences (v. Sciences cognitives : la grande importance de l’interconnexion entre la communication écrite et la communication verbale)
La PNL reprend sous une forme moderne, scientifique, certains éléments de la rhétorique. Par exemple, comme la rhétorique, la PNL affirme que la confiance que l’orateur suscite est sa qualité principale. De même la PNL établit, comme la rhétorique , que nous ne pouvons percevoir la réalité que par nos cinq sens et que par conséquent la synchronisation qui doit s’opérer entre l’orateur et son public doit passer par leur canal et privilégier les trois systèmes de perception principaux que sont le visuel, l’auditif et le kinesthésique.
Par ailleurs la PNL prend en compte le langage grâce notamment aux méta programmes ou programmes de traitement de l’information propres à chacun. Ces méta programmes sont assez nombreux et complexes et font quelque peu penser de ce fait aux « lieux rhétoriques ». (Cf. « Pourquoi la rhétorique demeure-t-elle aussi efficace »). Par ailleurs ils concernent essentiellement la communication entre deux individus. C’est pourquoi je ne m’étendrai par sur ceux-ci.
Enfin, parallèlement aux méthodes concernant le discours proprement dit il ne faut pas oublier que la PNL peut aussi s’appliquer à l’orateur par le biais des techniques de changement de comportement. Un orateur qui manque d’assurance pourra ainsi recourir à certains protocoles de changement d’état pour en acquérir.
2. L’utilité du vocabulaire de la PNL en matière de synchronisation
Pour qui s’intéresse à la communication la connaissance du vocabulaire de la PNL est très utile. On retrouve souvent ce vocabulaire dans de nombreux travaux sur la communication.
Outre les définitions fondamentales de la synchronisation et du rapport, la PNL définit de nombreux concepts ou notions en matière de communication (cf. DICO P.N.L.). Parmi ceux-ci on peut citer : l’ancrage, le cadrage et le recadrage, la calibration, la congruence, les critères, les croyances, l’évaluation (match) et le mismatch, les métaphores, les méta-programmes, le modelage, les modèles d’intervention, les niveaux logiques de changement, les prédicats ou Vakog (visuel, auditif, kinesthésique, olfactif, gustatif), la reformulation.
3. P.N.L, synchronisation et communication : le témoignage d’une infirmière
Le lien ci-après renvoie à un article de Margot Phaneuf, infirmière, Ph. D.
Cet article très intéressant est fondé sur l’expérience de l’auteur en ce qui concerne l’utilisation de la P.N.L. et plus particulièrement de la synchronisation pour faciliter la communication avec les patients mais aussi avec tout un chacun. Margot Phaneuf passe tout d’abord en revue trois formes simples de synchronisation : la synchronisation respiratoire, la synchronisation des émotions, la synchronisation du langage. La seconde moitié de l’article est consacré au « Recours à différents canaux sensoriels » et comporte quatre tableaux récapitulatifs portant sur les cinq catégories de prédicats : visuels, auditifs, kinesthésique, olfactifs et gustatifs.
IVe PARTIE : SYNCHRONISATION ET RHETORIQUE
1. Le rôle essentiel de la rhétorique
Pour l’orateur, synchroniser sa voix et son expression corporelle en fonction du sujet qu’il traite et du public auquel il s’adresse est certes très important, mais il semble encore plus important qu’il synchronise son propos avec les trois fondamentaux ou processus cognitifs/communicatifs de la nature humaine : la raison, les valeurs et les affects, c’est-à-dire au plus haut niveau. On a vu dans “Pourquoi la rhétorique demeure-t-elle aussi efficace ?” que ces fondamentaux ont été parfaitement identifiés par les philosophes grecs et qu’ils demeurent, est-il besoin de le rappeler, tout à fait inchangés à l’époque actuelle en raison de leur caractère éternel et universel.
Plus généralement le phénomène de la synchronisation entre un communicant et son public par la communication en général, tant verbale que non verbale, est un élément crucial de la rhétorique, repris en partie aujourd’hui par la Programmation Neuro Linguistique (P.N.L.). On a vu dans « Pourquoi la rhétorique demeure-t-elle aussi efficace » d’une part que les trois fondamentaux de la nature humaine sont la raison, les valeurs et les affects et d’autre part que les langages qui permettent respectivement de les toucher sont la logique, l’éthique et la psychologie.
Pour qu’une communication soit efficace, il faut que ces trois langages concordent. Dès qu’il y a un manque de cohérence, c’est-à-dire une désynchronisation, entre ceux-ci le destinataire le perçoit. L’un des domaines où les phénomènes de désynchronisation sont les plus flagrants est celui de la politique. Dans « Les 5 K.O. rhétoriques de l’élection présidentielle 2017 » j’exposais que la cause de l’échec de cinq candidats importants résidait dans la violation de l’un ou de plusieurs critères de la rhétorique.
2. Deux facteurs de synchronisation essentiels issus de la rhétorique : la confiance suscitée par l’orateur, la clarté de la communication
2.1. La confiance suscitée par l’orateur : importance du bon sens, de la vertu, et de la bienveillance
Selon Aristote la principale qualité de l’orateur est celle de susciter la confiance. Cette dernière s’obtient en respectant les trois critères suivants : le bon sens, la vertu et la bienveillance.
« Par suite du manque de bon sens, on n’exprime pas une opinion saine ».
dit Aristote qui ne s’étend pas plus à ce stade de sa réflexion sur ce point précis. Il semble bien qu’il fasse ici référence au premier des trois fondamentaux de la rhétorique : la raison et au langage spécifique qui s’adresse à celle-ci : la logique. Une opinion contraire à la logique ne peut pas être une « opinion saine ».
Mais il faut souligner qu’Aristote relie ensuite explicitement ce premier critère au second, la vertu :
« Par suite de la perversité, on ne dit pas ce qui semble vrai à l’auditeur ».
Il vise ainsi le second des trois fondamentaux de la rhétorique : les valeurs et le langage correspondant : l’éthique. Respecter les faits, dire la vérité, « parler vrai » est essentiel pour susciter la confiance.
Le troisième critère, la bienveillance, va dans le même sens que le précédent tout en le renforçant dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de dire la vérité mais aussi d’avoir pour objectif le désir de faire du bien à autrui. On sait que, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, de nombreux philosophes considèrent la bienveillance comme une vertu essentielle voire comme la mère de toutes les vertus, comme le fera en son temps le Christ avec le second commandement (selon l’évangile de Saint Matthieu). Sur le plan psychologique, la bienveillance s’apparente à l’amour, l’une des émotions les plus fortes. On oublie parfois qu’elle joue ou devrait jouer un grand rôle en matière de communication dans la mesure ou elle constitue, pour ces deux raisons, éthiques et psychologiques, l’un des principaux moyens de synchronisation. Les « petites phrases » que l’on reproche au Président de la République ne choquent-elles pas parce qu’elles manquent de bienveillance ? Ne risquent-elles pas par leur répétition d’affecter en profondeur et durablement l’élément essentiel qu’est pour tout communicant son image et de le faire passer pour un homme arrogant, ignorant les difficultés des Français, notamment les plus démunis ?
Quintilien reprend les critères d’Aristote en disant que l’orateur doit être un homme de bien. Dans les toutes premières lignes de l’introduction du douzième et dernier livre « de L’Institution de l’Orateur » il écrit ceci :
« De toutes les parties qui composent cet ouvrage, voici sans contredit la plus importante »
et il intitule ensuite le premier chapitre comme suit :
« Il n’y que l’homme de bien qui puisse mériter le nom d’orateur »
Quintilien reprenait lui-même la définition de l’orateur par Caton :
« Un homme de bien savant en l’art de parler »,
elle-même reprise par Cicéron. En fait, on constate que la plupart des grands orateurs de l’antiquité avaient, bien avant l’ère chrétienne, une conception éthique très affirmée de la communication, de la vérité du discours, elle-même fondée sur la notion de bon citoyen. N’oublions que le triangle rhétorique est un triangle équilatéral et que l’un de ses trois angles est celui des valeurs, valeurs qui sont touchées par le langage de l’éthique.
Quintilien ne consacre pas moins de trente-cinq pages aux développements des raisons qui justifient, selon lui, la place essentielle de l’éthique en matière de communication, raisons fondées pour la plupart sur différentes formes de l’éthique et de la morale. Il cite notamment Cicéron, pour lequel :
« L’éloquence coule des sources les plus secrètes de la sagesse ».
Dans notre société en perte de repères on peut se montrer quelque peu sceptique lorsque Quintilien s’exclame :
« On ne peut mériter le nom d’orateur sans être parfait du côté des mœurs et du côté de l’éloquence » !
Mais les valeurs de l’éthique et de la morale prônées par l’antiquité puis reprises par les religions monothéistes ou autres demeurent, consciemment ou inconsciemment, très présentes dans notre société comme le démontrent bien dans le monde occidental, que ce soit de ce côté-ci de l’Atlantique ou de l’autre les mécomptes des hommes politiques, des dirigeants de grandes entreprises (cf. Volkswagen et Me too) ou des institutions religieuses qui n’en tiennent pas compte.
2.2. La clarté
Selon Aristote
« La première qualité de la communication, c’est la clarté ».
L’orateur ne doit pas seulement être un homme de bien suscitant la confiance, mais s’exprimer clairement. Mais comment être clair ? On en revient ici aux trois fondamentaux et aux trois langages de la rhétorique. : être clair en s’adressant à la raison par une bonne utilisation de la logique, être clair en s’adressant aux valeurs par le respect de l’éthique, être clair en touchant précisément les affects en utilisant la psychologie.
Dès qu’une communication n’est pas claire, c’est-à-dire lorsque qu’elle n’est pas clairement synchronisée avec les trois fondamentaux ou processus cognitifs/communicatifs de la nature humaine ci-dessus, le public auquel elle s’adresse ne comprend pas et par conséquent s’en désintéresse ou ce qui est plus grave perd confiance en son locuteur. La toute récente affaire Benalla, dont les circonstances ne sont toujours pas claires, est la parfaite illustration des mécomptes que peut causer à son auteur une communication manquant de clarté et tardive.
Dès que dans notre communication, faute de réflexion, nous nous écartons des trois critères fondamentaux de la parole : aller à l’essentiel, dire la vérité, être clair, l’intérêt de notre interlocuteur chute verticalement. A fortiori si nous violons aussi le quatrième critère : le respect de la langue et si nous oublions le cinquième : le style, qui est l’un des fruits de la rhétorique. LM
Ve PARTIE – TROIS EXEMPLES DE SYNCHRONISATION : LE GENERAL DE GAULLE, LOUIS DE FUNES, HITLER
Pour illustrer la diversité du phénomène de la synchronisation en matière de communication j’ai intentionnellement choisi trois exemples très différents : le général de Gaulle, Louis de Funès et Hitler. La communication du premier est essentiellement orientée sur le contenu et l’intonation, celle du second sur l’expression corporelle, celle du troisième sur le contenu, la posture, l’expression faciale, la gestuelle et l’intonation.
1. Le général de Gaulle : l’alliance du contenu et de la voix
L’un des discours les plus célèbres du général est le discours radiotélévisé du 23 avril 1961. Ce discours a été prononcé le lendemain du putsch des généraux à Alger. Il est communément admis que ce discours tua net dans l’œuf cette insurrection et qu’il marque le début de la fin de la guerre d’Algérie. Ses effets sont immédiats et spectaculaires. Le putsch s’effondre comme un château de cartes, le contingent des appelés ne le suivant pas. Quatre jours seulement après l’allocution du général, le principal instigateur, le général Challe, se rend. Il est suivi par le général Zeller. Les généraux Salan et Jouhaud entrent dans la clandestinité. Onze mois plus tard, le 18 mars 1962, les accords d’Evian sont signés. On a avec ce discours et d’autres du général un parfait exemple de l’immense pouvoir du verbe lequel génère par sa seule force l’action au plus haut niveau.
1.1. Analyse du contenu : la synchronisation au plus haut degré.
Comme dans la plupart des communications du général, discours ou écrits, le contenu a une importance primordiale. Dans le cas présent le général réalise le tour de force de dire l’essentiel de manière frappante, claire et précise en très peu de temps : le discours ne dure que 6’18 ». Par sa force, sa précision, la justesse des mots et des expressions, ce discours donne l’impression que tout est dit, qu’il n’y a rien à ajouter ou à retrancher. De manière très appropriée le général utilise pour ce faire les trois langages de la rhétorique : la logique, l’éthique et la psychologie, langages qui parfois se chevauchent comme le montre bien l’analyse ci dessous. Ce qui est logique peut aussi avoir une connotation éthique ou psychologique. C’est l’utilisation simultanée et très équilibrée de ces trois langages qui donne, par leur synchronisation avec les trois fondamentaux de l’humanité, la raison, les valeurs, les affects, toute sa force au contenu, force qui est confortée et amplifiée par la communication non verbale, en l’occurrence par l’intonation de la voix. Se synchroniser par le contenu dans ce type de communication, transposable à beaucoup d’autres, c’est se synchroniser au plus haut degré car c’est ce synchroniser avec la pensée et le langage.
1.1.1. La logique : synchronisation avec la raison
Le discours est divisé en trois parties suivant un enchaînement logique rigoureux et comportant chacune une description très précise du sujet traité.
La première partie porte sur l’analyse de la situation. En exergue, le général entre immédiatement dans le vif du sujet, sans préliminaires inutiles : » Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamento militaire ». Puis en quelques courtes phrases il dresse un portrait destructeur des putschistes : « un quarteron de généraux en retraite », « un groupe d’officiers partisans, ambitieux, fanatiques », « un savoir limité et expéditif », « ils ne voient et ne connaissent la nation et le monde que déformés au travers de leur frénésie », « leur entreprise ne peut conduire qu’à un désastre national ».
Par opposition, la deuxième partie est consacrée tout d’abord à une brève synthèse des grands événements ou réformes marquant le redressement de la France « entamé depuis le fond de l’abîme le 18 Juin 1940 » et en « dépit de tout » : « victoire remportée », « indépendance assurée », « république restaurée », « refaire l’état », « maintenir l’unité nationale », « rétablir notre rang au dehors », « poursuivre notre oeuvre outremer à travers une nécessaire décolonisation ». Puis le général enchaîne en affirmant, par contraste, que « tout cela risque d’être rendu vain à la veille même de la réussite par l’odieuse et stupide aventure d’Algérie » : « Voici que l’Etat est bafoué, la nation bravée, notre puissance dégradée, notre prestige international abaissé, notre rôle et notre place en Afrique compromis ». Cette partie se termine par la célèbre triple interjection : » Hélas ! hélas ! hélas ! concernant les auteurs du putsch » des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être de servir et d’obéir ».
La troisième et dernière partie est consacrée aux très énergiques mesures prises pour réduire l’insurrection et à la justification détaillée de la légitimité de ces mesures : « Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés partout pour barrer la route à ces hommes-là en attendant de les réduire ». « J’interdis à tous Français et d’abord à tous soldats d’exécuter aucuns de leurs ordres ». « Ayant pris l’avis officiel du Conseil Constitutionnel, du Premier Ministre, du Président du Sénat, du président de l’Assemblée National « J’ai décidé de mettre en oeuvre l’article 16 de notre Constitution ». »Je m’affirme en la légitimité française et républicaine qui m’a été conférée par la nation »
Le général termine par le célèbre et pathétique appel : « Françaises, Français, aidez-moi » !
1.1.2. L’éthique : synchronisation avec les valeurs
Le général justifie son analyse de la situation et ses décisions par de nombreuses références à l’éthique. Tout d’abord il stigmatise à plusieurs reprises le comportement des putschistes : « Des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être de servir et d’obéir », « les chefs militaires qui ont le droit d’assumer les responsabilités sont ceux qui ont été nommés régulièrement pour cela », « l’avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois », puis il consacre une grande part de la troisième partie de son discours à expliquer la légitimité de son action notamment dans ce passage : « Ayant pris l’avis officiel du Conseil Constitutionnel, du Premier Ministre, du Président du Sénat, du président de l’Assemblée National « J’ai décidé de mettre en oeuvre l’article 16 de notre Constitution », « je m’affirme en la légitimité française et républicaine qui m’a été conférée par la nation ».
L’éthique concernant non seulement le respect des valeurs mais aussi l’image, le général fait par ailleurs référence à « l’immense effort de redressement de la France », à « l’Etat bafoué » à « notre prestige international abaissé ».
1.1.3. La psychologie : synchronisation avec les affects
Par les mots employés et par les intonations, qui renforcent le sens de ces mots, ce discours fait de nombreux appels aux émotions. Les intonations faisant partie de la communication non verbale je traiterai ce sujet dans le paragraphe suivant.
1.2. Analyse de la communication non verbale : synchronisation par l’intonation
Sur le plan de la communication non verbale le général utilise essentiellement les intonations de la voix pour renforcer ses propos (cf. infra). On peut regretter qu’il n’utilise que très peu la gestuelle des mains car les rares fois où il le fait cela les accentue encore plus. Mais cette économie de communication gestuelle présente par ailleurs un grand avantage : le discours passe aussi bien, voire encore mieux, à la radio qu’à la télévision. Or celle-ci a joué un rôle décisif en ce qui concerne le contingent en Algérie, lequel ne disposait que de la radio et qui à la suite de ce discours, n’a pas suivi les putschistes.
On trouvera ci-après l’analyse de ce discours que fait Eve Bonnivard sur le site de l’INA, analyse qui met bien en évidence l’importance de l’intonation mais aussi l’appel à l’émotion, aux affects :
« Attentif à la symbolique des apparences, de Gaulle a revêtu son uniforme de général pour accabler de son mépris ce « pronunciamento militaire » au « savoir-faire expéditif et limité ». Maître dans l’art de la rhétorique, de Gaulle a le sens de la formule qui fait mouche (« quarteron de généraux en retraite ») et sait jouer sur tous les tons : méprisant (« odieuse et stupide aventure »), courroucé (« Et par qui ? » ), solennel (« Au nom de la France j’ordonne… »), autoritaire (« J’interdis à tout Français… »), grave (« devant le malheur qui plane sur la patrie »). Il sait mettre en valeur les mots clés de son discours, par exemple en détachant les syllabes (« lé-gi-ti-mi-té »).
Mots et intonations font partager des émotions très fortes telles que la colère : « Et par qui ? Par des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être de servir et d’obéir », le mépris : « un savoir faire expéditif et limité », « l’odieuse et stupide aventure », une profonde tristesse : « Hélas !, hélas !, hélas ! », la peur : « Un désastre national », « devant le malheur qui plane sur la patrie ». Le général évoque par ailleurs un phénomène important auquel de nombreux Français sont sensibles, éprouvent de la fierté : la grandeur retrouvée de la France : « l’immense effort de redressement de la France », et s’exprime « Au nom de la France », pour terminer par l’appel pathétique à l’aide et à la solidarité » Françaises, Français, aidez-moi ! ».
Dans ce discours du Général de Gaulle on voit bien en résumé, ou plus exactement on entend bien, que si le contenu est absolument essentiel, l’intonation lui donne tout son sens et que si l’on veut avoir une communication pleinement efficace on ne peut séparer l’un de l’autre. Il est clair que si cette diversité dans l’intonation n’existait pas ce discours n’aurait pas la même force. Sur le plan des techniques de rhétorique on remarque que l’une des figures les plus utilisées par le général est celle de l’énumération, celle-ci étant confortée par l’utilisation de verbes, signes d’action. La puissance de cette figure réside, entre autres, dans le fait qu’elle permet de cerner au plus près une réalité, ici le redressement de la France, par la diversité même des mots et des expressions : « victoire remportée », « indépendance assurée », « république restaurée », « refaire l’état », « maintenir l’unité nationale », « rétablir notre rang au dehors », « poursuivre notre oeuvre outremer à travers une nécessaire décolonisation »… « Voici que l’Etat est bafoué, la nation bravée, notre puissance dégradée, notre prestige international abaissé, notre rôle et notre place en Afrique compromis ».
P.S. Lorsque j’ai analysé ce discours je n’avais pas encore rédigé l’article qui le suit (« Les deux qualité pilotes d’une communication réussie : la confiance et la clarté« ) et pris conscience de l’importance primordiale qu’Aristote attache à la bienveillance, l’un des trois critères générant la confiance. Or, on constate que cette dernière constitue la ligne directrice et toute l’ossature du propos du général. Elle se manifeste à la fois par l’énumération des principaux résultats déjà obtenus en ce qui concerne le redressement de la France, par les grands risques que fait encourir le putsch au pays et par les énergiques mesures prises et envisagées pour le contrer. Pour le général, comme pour les philosophes de l’antiquité gréco-latine, « Il n’y que l’homme de bien qui puisse mériter le nom d’orateur ».
2. Louis de Funès : communication non verbale : 93% ! Contenu : 7% !
Je critiquais plus haut les extrapolations abusives que font certains auteurs en étendant les résultats des travaux d’Albert Merhabian à l’ensemble de la communication et en soutenant que celle-ci est à raison de 93% non verbale. Mais lorsqu’on analyse les films de Louis de Funès on voit bien que dans son cas, très particulier, ils n’ont pas tort ! Le contenu n’a que très peu d’importance. Tout est dans le jeu de l’acteur, ses mimiques, sa gestuelle, ses grimaces, ses onomatopées, ses pantomimes, ses pitreries.
3. Hitler : Le charisme et l’excellence oratoire liés à une préparation intensive de la communication verbale et non verbale
https:///site/lagestuelledudictateur/etude-approfondie-d-adolf-hitler/i-la-gestuelle-d-hitler
Je n’ai certes pas retenu l’exemple d’Hitler avec plaisir mais parce qu’on ne sait pas toujours que la maîtrise reconnue que celui-ci avait de l’art oratoire et dont ne connait que trop la néfaste efficacité était le fruit d’une préparation très élaborée et diversifiée tant en matière de communication verbale que non verbale. En ce qui concerne cette dernière, posture, expression corporelle, intonation, étaient très étudiées et répétées, sous l’œil d’un photographe, dans le but de donner d’autant plus de force au contenu.
L’article « La gestuelle du dictateur » auquel renvoie le lien est très intéressant car il est illustré geste par geste par les clichés de ce photographe qui, au cours des séances de préparation de ses discours par Hitler, enregistrait les différentes expressions, notamment les plus efficaces, de cette gestuelle.
Cet article est par ailleurs complété par un autre article, de même intérêt, qui lui porte à la fois sur le contenu des discours et sur les intonations, très caractéristiques, de la voix du dictateur.
CONCLUSION : Omniprésence et diversité de la synchronisation dans la communication
Les trois exemples qui figurent dans la Ve et dernière partie de cet article illustrent bien diverses formes de communication définies dans la première partie. Ce n’est pas la même chose que de communiquer par écrit ou verbalement, face à un individu ou à un groupe, selon qu’on est un homme politique, un chef d’entreprise ou un artiste, lorsqu’il s’agit de convaincre ou simplement de délivrer une information purement factuelle. Si la synchronisation est omniprésente, elle prend néanmoins des formes très diverses.
Dans le discours du Général de Gaulle on a vu qu’il y a une grande complémentarité entre le contenu et l’intonation, cette dernière confirmant le sens du premier.
A l’inverse, en ce qui concerne Louis de Funès, le contenu disparait presque totalement au profit de la l’expression non verbale, notamment corporelle et vocale.
Dans le cas d’Hitler une gestuelle très étudiée et les intonations très spécifiques de la voix constituent un appui essentiel au discours.
Si ces trois exemples laissent de côté la communication écrite et la communication purement factuelle, cela ne veut pas dire que la synchronisation en soit absente, bien au contraire. Nous avons vu que la pensée est la base de toute communication et que c’est par la rigueur de l’écrit que celle-ci s’exprime le mieux. La synchronisation en matière d’écrit s’effectue de manière optimale par l’utilisation des trois langages de la rhétorique : la logique, l’éthique et la psychologie. Leur efficacité en matière de synchronisation de la communication découle étroitement de ce que qu’ils s’adressent aux trois fondamentaux de la nature humaine, ou si l’on préfère aux trois principaux processus cognitifs/communicatifs : la raison, les valeurs, les affects.
La phase oratoire étant souvent la prolongation de la phase préparatoire qu’est l’écrit, la synchronisation opérée par la rhétorique lors de l’écrit se retrouve donc nécessairement dans le verbal.
Enfin, l’information purement factuelle, du type bulletin météorologique, mode d’emploi d’un outil, note de service ou forum sur internet, n’échappe pas non plus ou ne devrait pas échapper à la synchronisation. Le minimum en la matière consiste dans le respect de la logique, c’est-à-dire dans la synchronisation avec la raison en particulier par la structuration des idées et par leur mise en ordre logique. Chacun peut constater, notamment en ce qui concerne les modes d’emploi et les forums internet, qu’on est souvent loin du compte.
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